HOMMAGE AU CAPITAINE DE PÊCHE EUGÈNE FLOC’H ANCIEN TERRE-NEUVAS

de droite à gauche :  Eugène FLOC’H , Jean-Paul HELLEQUIN

Vous sa Famille, vous avez perdu un parent, nous partageons votre peine de la manière la plus sincère. Une pensée toute particulière pour son épouse Vonette  

Nous la communauté des Gens de Mer, nous venons de perdre l’un des nôtres, mais bien plus encore, un Capitaine de la Grande Pêche, un Terre-neuvas, un grand Marin. Cette communauté des anciens Terre-neuvas est restreinte, elle est endeuillée par ton départ qui te mène vers un autre port.

 Eugène, lorsque je suis embarqué pour la première fois le 24 juin 1967 comme novice, à Bordeaux sur le « Pierre-Vidal » j’entrais dans ma 17ème année.  Lorsque je suis monté te saluer timidement, j’ai aussitôt été impressionné par ton regard,  le timbre de cette voix inimitable et ton petit sourire en coin qui en disait long !

 J’ai découvert au fil des mois, puis des années, que tu n’étais pas un homme ordinaire. Lorsque nous parlions, toi qui étais réservé, si secret même, tu me donnais toujours le bon cap de la vie, j’ai eu cette chance de te rencontrer, ce fut une belle rencontre.

Eugène, durant mes 38 années de navigation, j’en ai connu, croisé des Capitaines, mais toi tu es unique, unique par tes comportements, ta rigueur, ton sens du commandement et ton grand respect pour tes équipages qui te le rendaient bien,  tes silences qui voulaient tout dire, tout dans le regard comme nous le disions entre nous !

 Je me souviens encore lorsque j’étais monté à la passerelle te demander une augmentation de ma part de pêche, les autres, ceux qui m’avaient un peu poussé avaient plus peur que moi, je ne comprenais pas, et j’avais obtenu satisfaction, certainement que les traits de chaluts étaient bons, il avait fallu convaincre, et pour te convaincre, il fallait argumenter !

 Tu étais capable de trouver du poisson et de le pêcher alors que d’autres cherchaient sans trouver, tu n’étais pas seulement un Capitaine de pêche, tu étais un champion des bancs.

Tu as même été capable de remplir le « Pierre Vidal » en 47 jours de Mer,  Bordeaux aller-retour.

Eugène, comme peu de Capitaine tu avais une telle autorité, une telle présence  que chaque homme d’Equipage  connaissait son rôle, tous nous savions pourquoi nous étions là.  S’il y avait des difficultés relationnelles, tu savais y faire face comme tout  Capitaine doit savoir, sauf que toi,  tu avais à faire à des Marins un peu spéciaux, des durs qui avaient leurs codes, parfois même des condamnés pour petits délits se retrouvaient embarqués, très vite ils savaient comme les autres, qui était le patron à bord et qui tenait bon la barre !

Eugène, parfois tu nous as mené la vie dure, mais cette vie-là tu te l’imposais, te l’appliquais  aussi.

La vie des Terre-neuvas, la vie des bancs, n’était pas une vie banale, tu savais nous rappeler pourquoi nous étions venus !

Eugène, tu avais du panache, lorsque tu revêtais ton pantalon en velours, ton blouson en cuir  et ta casquette légèrement sur le côté tel un  gavroche, nous savions dès lors, que la vie du bord allait changer, que nous rentrions dans le vif du sujet, celui de pêcher et le travail qu’il allait falloir fournir pour remplir le navire.    

Je te remercie d’être venu à Brest sur l’invitation de Danielle en avril 2005 pour mon changement d’activité, tu étais accompagné de Jean-Yves un autre Capitaine auquel je dois beaucoup, il y a des gestes qui ne doivent jamais passer aux oubliettes, ils peuvent être présents parfois durant toute une vie.

Je me souviens de cette soirée, de ma surprise lorsque tu es entré dans la salle, tu avais le même regard perçant, captivant comme celui du chasseur et toujours cette même voix inimitable, ce petit sourire narquois aussi. En fin de soirée, plusieurs invités étaient venus me faire des éloges sur ta présence, et aussi me poser des questions précises sur nos liens. Tu avais impressionné Jacques de CHATEAUVIEUX et d’autres par les tonnes de poissons que tu avais pêchées durant ta carrière. Toi si discret tu avais été au centre de cette cérémonie, dès que le grand métier était abordé, tu étais incollable et tu étais capable de raconter des anecdotes durant des heures.

Eugène je te remercie pour les conseils et les remontrances (voire plus)  que tu m’as donnés durant quelques années!

 Bon voyage Eugène, si tu devais rencontrer lors de cette dernière traversée un fort coup de vent, tu sauras rester le maître à bord et atteindre le port où des amis t’attendent.

L’association MOR GLAZ elle aussi est endeuillée, tu étais membre depuis 12 ans, merci Eugène, merci pour tout et que le vent te porte !

Vous ses proches, lorsque vous entendrez parler de rigueur, de générosité de professionnalisme, pensez  à Eugène il était tout cela ! 

Je vous remercie