Assistance aux navires en détresse à vendre

 

Le 4 Mars 2024 par communiqué de presse la société « ECONOCOM » a fait savoir qu’elle s’apprêtait la compagnie de remorquage et de sauvetage française « Les Abeilles International » qu’elle avait achetées en 2020.

Le groupe « ECONOCOM » a annoncé qu’il était entré en négociation exclusive avec le groupe espagnol de remorquage et de navigation « BOLUDA » pour lui céder 100 % de ses parts qu’il détient dans la firme « Les Abeilles International ». Cette transaction est prévue arrivée à son terme dans le second trimestre de 2024 mais reste suspendu à la finalisation de l’accord et aux conditions suspensives habituellement applicables de la part des autorités françaises.

Cette vente renforcera la structure financière d’ « ECONOCOM » dans la perspective de son plan stratégique « ONE ECONOCOM » s’appliquant sur la période 2024 – 2028. Ce plan annoncé en Novembre dernier incluse l’autofinancement du futur plan d’extension organique et externe d’ « ECONOCOM ».

Le groupe « ECONOCOM » a acheté « Les Abeilles International » en 2020. A la fin de 2023, « Les Abeilles International » ont été reclassifiées comme « actif destiné à la vente », en application du « standard IFRS 5 » et en droite ligne du plan stratégique « ONE ECONOCOM ».

Jean-Louis BOUCHARD, Président Directeur Général d’ « ECONOCOM » a dit : « Nous sommes ravis de cette transaction avec le groupe « BOLUDA », un leader mondial dans les services de remorquage. Au travers de cette vente, Les Abeilles International » vont pouvoir bénéficier du soutien d’un acteur majeur pour ses développements futurs. Cette vente s’inscrit dans notre plan « ONE ECONOCOM » annoncé en Novembre dernier pour vendre certains actifs qui ne sont pas stratégiques pour notre cœur de métier.

Samira DRAOUA, Présidente des « Abeilles International » ajoute : « Depuis que nous avons acheté les Abeilles International en Septembre 2020, nous avons été enthousiastes dans le renforcement et le développement de cette compagnie maritime au sein de ses activités. Nous avons acheté et modifié deux des plus puissants remorqueurs au monde (Abeille Méditerranée & Abeille Normandie). Nous avons aussi diversifié nos activités avec l’achat de l’ Abeille Horizon puis renforcé notre expertise en créant l’ école d’entraînement des Abeilles International. Au travers de cette vente à « BOLUDA », Les Abeilles International seront en mesure de poursuivre et accélérer dans cette trajectoire.

Vicente BOLUDA FOS, Président Directeur Général de BOLUDA, ajoute : « Notre groupe est présent en France depuis 2007 et est y est profondément implanté. Notre engagement en faveur de l’emploi français et son développement a toujours été une caractéristique essentielle de notre identité. BOLUDA est un groupe familial qui a plus de cent d’existence. Désormais, le groupe a atteint un moment clé de son histoire en devenant un leader incontesté de l’industrie du remorquage. L’arrivée des « Abeilles International », avec son expertise opérationnelle, au sein de notre groupe est une nouvelle étape dans notre développement »

Le service de remorquage d’assistance en France :

Il s’agit de la version moderne du positionnement en station de sauvetage de remorqueur dédié à l’assistance de navires en détresse. Le positionnement de remorqueurs en station a débuté en 1975 suite à l’échouement du pétrolier « AMOCO CADIZ » qui a déversé 223 101 tonnes de pétrole sur les côtes françaises. Mais c’est en 1922 que remonte ce principe de remorqueurs en station sauvetage en France. Même avant cette date des remorqueurs puissants opérés par des compagnies françaises, dont la plus importante d’entre elles « LES ABEILLES » crées au Havre en 1864, étaient déjà présents en station en particulier à Brest. Ces remorqueurs étaient cependant souvent absents de leur lieu de station. Par conséquent les opérations d’assistance aux navires en détresse devaient s’effectuer avec des remorqueurs portuaires moins adaptés au gros temps. La conséquence était que la plupart du temps il n’y avait aucun remorqueur adapté pour les assistances aux navires en détresse. Un autre problème à l’époque était que la radiotélégraphie embarquée à bord des navires en était à ses balbutiements et que la plupart des bateaux n’en avaient pas à bord !

Henri CANGARDEL, Directeur de l’ « Union Maritime Française », fut très choqué par le naufrage en 1922 du paquebot « AFRIQUE » des Chargeurs Réunis lors d’une forte tempête suite à la perte de sa propulsion au large des Sables d’Olonne. Le paquebot qui avait 609 passagers et 135 membres d’équipage à bord qui ne réussirent pas à réparer la machine fût drossé sur les récifs et se brisa. Il n’y eu que 34 survivants dont seulement 3 passagers. Suite à cette catastrophe Cangardel initia la mise en station de remorqueurs de sauvetage à Brest, Marseille, Bordeaux et Saint-Nazaire. Compte tenu de ses liens étroits avec le gouvernement on pouvait d’ores et déjà considérer ses mises en station de moyens d’intervention comme une action de l’état en mer semi parrainée tout comme c’est le cas actuellement avec l’affrêtement des remorqueurs d’assistance. A part les remorqueurs de la Marine Nationale dépendant directement de l’état un navire spécialement adapté à la mission a été acheté à l’étranger. Renommé « IROISE », il fût stationné à Brest et devint célèbre sous le commandement du Commandant Louis MALBERT.

Durant un peu plus d’une décennie l’activité des remorqueurs d’assistance aux navires en détresse s’avéra fort utile mais en 1935 l’ « Union Maritime Française » cessa d’exister avec la vente du dernier remorqueur. Une des raisons de cette cessation d’activité de l’ « Union Française Maritime » (U F M) était qu’à partir du milieu des années 20 des remorqueurs étrangers des compagnies SMIT, BUGSIER & WIJSMULLER avaient commencé à fréquenter les ports français en se plaçant comme concurrent de l’ « U F M ».

La place laissée vacante par les remorqueurs de l’ « Union Française Maritime » fut prise par les remorqueurs de la compagnie « LES ABEILLES » du Havre mais seulement une partie de l’année car les éventuelles pertes financières cumulées pendant les périodes d’hiver en station devaient être compensées par des opérations de remorquage au long cours.

Le dernier remorqueur des Abeilles ayant opéré en station d’assistance en mer d’Iroise a été l’ « Abeille 26 » (3000 Cv – Construit en 1952). En 1958 sa carrière sous pavillon français s’arrêta avec sa vente au Canada. Après lui aucun remorqueur français n’assura la station à Brest. Le « Jean Bart » (2500 Cv) de la « Société Dunkerquoise de remorquage » fut positionné en station d’assistance aux navires en détresse dans le port de Boulogne sur Mer de 1956 à 1965. Le bilan financier s’avérant hélas déficitaire le navire fut vendu à la compagnie hollandaise « Wisjmuller » qui l’exploita sur le marché de l’affrêtement de remorquage au long cours.

A partir de là il n’y avait plus de remorqueur de sauvetage dédié disponible toute l’année pour protéger les côtes françaises des conséquences d’accidents maritimes.

AVERTISSEMENTS :

En 1966 le pétrolier « ANNE MILDRED BROVIG » de 40 195 Tonnes de Port en Lourd aurait pu alerter. En route vers Hambourg avec une cargaison de 39 000 tonnes de pétrole brut il entra en collision avec le navire anglais « PENTLAND » au large de l’ile d’ Heligoland. Les citernes explosèrent et le navire pris feu. Les remorqueurs de la compagnie « BUGSIER » tentèrent d’éteindre l’incendie en vain puisque le navire finit par couler. Une opération de sauvetage sous la direction de la société hollandaise « SMIT » a été engagée permettant de renflouer la partie avant du pétrolier après 50 jours d’efforts. Cette opération permit de récupérer une partie de la cargaison mais 15 000 tonnes de pétrole brut engendrèrent une grave pollution.

Un an plus tard, en 1967, la deuxième alerte eu lieu avec l’échouement du pétrolier « TORREY CANYON » suite à une erreur de navigation sur le « Pollard Rock » sur la côte sud-ouest de l’Angleterre. Durant de nombreux jours il déversa ses 119 328 tonnes de pétrole brut à la mer. En outre à la faveur de la météo et des courants de marée les côtes françaises furent touchées par cette pollution.

Le dernier avertissement sur ce qui attendait les côtes françaises arriva en Janvier 1976 quand le pétrolier neuf « OLYMPIC BRAVERY » s’échoua sur l’ile d’Ouessant suite à une avarie machine. Le navire se cassa mais comme il sortait juste des Chantiers de l’Atlantique pour se rendre dans un fjord en Norvège il n’y eu quasiment pas de pollution puisque le navire n’avait pas de cargaison.

LE GRAND JOUR :

Le 16 Mars 1978 le pétrolier chargé « AMOCO CADIZ » tomba en avarie d’appareil à gouverner à environ 7,5 milles au large d’Ouessant lors d’une tempête. Les autorités françaises ne furent pas averties de cette avarie bien que le pétrolier émît des messages à l’intention des autres navires sur canal 16 leur demandant de se tenir à l’écart. Les tentatives de réparation de l’appareil à gouverner échouèrent. L’ « AMOCO CADIZ » demanda alors l’assistance d’un remorqueur par radio. La station radio côtière relaya cette demande au seul puissant remorqueur disponible dans les environs qui n’était autre que le « PACIFIC » de la Compagnie Allemande « BUGSIER ». A ce moment la tempête faisait rage avec des vents soufflant à force 10 !

Quand le « PACIFIC » arriva à proximité de l’ « AMOCO CADIZ » il proposa à son Commandant un Contrat « No Cure No Pay » ce que ce dernier refusa préférant un contrat de remorquage à prix fixe. Les négociations durèrent une heure et demi. Un semblant d’accord fut trouvé mais chaque Commandant n’était pas en phase sur le type de contrat. Pendant ce temps la compagnie « AMOCO », propriétaire du navire, continuait à essayer de négocier un contrat au forfait en vain. Deux heures et demi plus tard « AMOCO » approuva le contrat Lloyd Open Form « No Cure No Pay ». Le mauvais sévissait toujours avec des vents de secteur NW à force 10 et une mer grosse provoquant des creux de 10 mètres. Quand le pétrolier s’échoua la remorque cassa. Quinze minutes plus tard un deuxième remorqueur BUGSIER arriva sur zone pour doubler la puissance du « PACIFIC ».

Avec une telle météo le pétrolier se cassa provoquant le déversement sur les plages environnantes des 227 000 tonnes de pétrole brut contenu dans ses cuves. Une énorme et couteuse opération de nettoyage due être mise en place par les autorités françaises.

L’origine de ce désastre est le résultat d’une accumulation d’erreurs et d’échecs. Cela commence par la conception de l’appareil à gouverner, suivi par l’absence d’informations aux autorités françaises, puis par le comportement du capitaine du pétrolier totalement sous la pression des règles que lui imposait la compagnie « AMOCO » et enfin l’échec de la stratégie de cette société tentant de grappiller les frais engendrés par la signature d’un contrat « No Cure No Pay ». Si le commandant de l’ « AMOCO CADIZ » avait dès le début informé les autorités françaises et accepté le Contrat Lloyd Open Form (No Cure No Pay)  proposé par le « PACIFIC » il y aurait eu de fortes chances que ce pollution n’aurait pas eu lieu. Le pétrolier aurait été un peu plus loin des côtes et l’autre remorqueur BUGSIER « SIMSON », plus puissant que le « PACIFIC », serait arrivé à temps pour écarter davantage l’« AMOCO CADIZ » des dangers.

les positions de l’Association MOR GLAZ :                                             22/12/2023…..22/02/20244…..04/03/2024

Article à suivre en Anglais dans le magazine « Tug e Zine » de Février – Mars 2024