Objet : Audition des membres de l’association MOR GLAZ par l’inspection du Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (CGEDD) présidé par Monsieur Jean-Marc BERTHET Chargé de mission il était accompagné par Messieurs Rouchdy KBAIER Inspecteur Général de l’Administration du Développement Durable et Luc VEILLE pour l’Inspection Générales des Affaires Maritimes), au sujet du naufrage des navires Danois MAERSK SEARCHER et SHIPPER en mer celtique.
Réf : Lettre de mission de Madame Ségolène Royal, Ministre de l’Environnement et de la Mer, et du Secrétaire d’État chargé des transports
Synthèse des interventions
des membres de l’association MOR GLAZ Présents
de gauche à droite:
Michel GLEMAREC..Jean-Paul HELLEQUIN…Bernard LE BIHAN
Bernard Le Bihan – membre de l’association MOR GLAZ –
Point 1 : Notion de renseignements ou d’ informations, il s’agit là pour les services d’État en charge des affaires étrangères, ambassades et autres d’avoir une connaissance approfondie de la situation des navires (marchande-guerre-pêche et autres)et de leur utilisation au niveau des différentes nations.
Les lieux de stockage des différentes coques en voie de démolition doivent être identifiés, notamment dans la partie Europe du Nord. Nous savons que la démolition des navires dans les ports européens n’est pas une priorité et que nombre de navires sont aujourd’hui acheminés vers des ports étrangers où les mesures environnementales sont peu ou pas respectées.
A ce titre, au niveau français, européen, voir international l’établissement d’un fichier navires consultable par toutes les administrations devient une priorité absolue. Une fiche spéciale environnement incluant sur chaque navire, la nature, la quantité de combustible et des autres produits toxiques (ex : détergent de nettoyage etc. ..).
Le transport maritime nécessite une vigilance accrue et les naufrages précités démontrent une nouvelle fois l’absence de données fiables sur la nature des combustibles présents dans les soutes des navires.
– Point 2 : La France dans son dispositif de surveillance du trafic maritime Manche/Atlantique dispose de quatre Cross avec Gris Nez – Jobourg- Corsen et Etel. Je mentionne que le remorquage n’est pas une opération neutre et qu’il demande une attention particulière de la part des opérateurs de surveillance.
Néanmoins, je suis surpris que le navire tractant MAERSK BATTLER ait pu continuer sa route sans encombre vers la Turquie. Le communiqué de presse de la préfecture maritime de Brest en date du 22/12/2016 indique que c’est le CROSS Etel qui a reçu l’appel VHF du commandant du MAERSK BATTLER se trouvant au large de la chaussée de Sein. Ce communiqué mentionne également que c’est le Cross Corsen qui a pris la responsabilité de la coordination de cette opération.
Je note également qu’entre la déclaration de l’événement le 22/12/2016 à 01 heure 55 et le naufrage du MAERSK SHIPPER, il s’est écoulé plus de 04h30. L’envoi d’un hélicoptère de l’aéronavale sur zone aurait peut-être permis d’avoir une vision plus précise de la situation et de prendre les mesures nécessaires afin d’éviter le naufrage du supply MAERSK SHIPPER.
Devant un événement aussi important, les ordres dans les Cross doivent être clairs et je souhaite, dès à présent, le détournement systématique du navire en cause vers le port le plus proche pour audition et identification du commandant et de l’équipage par les autorités maritimes.
-Point 3 : Devant cet événement de mer, je demande que le remorquage à couple soit interdit dans les eaux territoriales française et européenne. La présence de personnel à bord des navires remorqués doit être rendue obligatoire. Je souhaite également que les deux supply soient renfloués et dirigés vers le port le plus proche, à savoir Brest. Dans un secteur de pêche fréquenté par de nombreux chalutiers du Guilvinec et d’ailleurs, le danger de croche sur ces épaves ne doit pas être exclu.
-Point4 : Bien que l’événement de mer se soit produit en dehors des limites du parc naturel marin d’Iroise, je précise que sous l’effet des vents dominants et des courants, le danger de pollution n’est pas à exclure dans une aire marine protégée au titre de la convention Oslo-Paris (OSPAR). Une grande partie de son périmètre est également classé au titre des directives habitats, faune-flore (directives Natura 2000) ainsi que réserve de biosphère par l’UNESCO.
Je fais également mention du navire Peter Siff qui a coulé le 15 Novembre 1979 à l’entrée de la baie de Lampaul (Ile d’Ouessant) avec à son bord 349 t de fuel lourd. Trente-huit années après le naufrage, des fuites sporadiques d’hydrocarbures sont toujours observées dans le parc naturel marin d’Iroise
.Intervention de Michel GLEMAREC Vice Président de l’association MOR GLAZ
La pointe de Bretagne et les eaux océaniques y atteignant ont subi des agressions incessantes liées au transport maritime. Il suffit de se rappeler le 1er grand accident celui du Torrey Canyon il y a exactement 50 ans. Les accidents sont différents, interviennent à des saisons variées, les produits le sont aussi et il est difficile d’anticiper sur les conséquences à venir. Les produits pétroliers légers en surface détruisent les œufs et larves de poissons, crustacés…les produits lourds sont les plus pérennes et les plus toxiques (cancérigènes) et portent atteintes aux potentiels biologiques de reproduction. Ceci peut se faire alors sur une longue échelle de temps.
La Bretagne et l’Etat ont fait beaucoup depuis les premiers évènements, rails de navigation, législation, pénalités juridiques, créations du Parc Naturel Marin d’Iroise après celui du Parc Naturel Régional d’Armorique, Zones Natura 2000, ZNIEFF….tout cela dans les eaux territoriales. Or tout ce qui proviendra des épaves englouties sera, un jour ou l’autre, ramené en surface ou charrié vers la côte. Etant donné la forte activité liée à l’exploitation des ressources vivantes soumises à de telles agressions de type écologiques peuvent être largement amplifiées sur le plan économique. L’atteinte à la qualité du milieu en est la première manifestation, nous sommes là dans le plus grand champ d’algues d’Europe et l’essor actuel des établissements de leurs transformations en produits à forte valeur ajoutée témoigne d’un dynamisme exemplaire. La pêche professionnelle, récréative, l’aquaculture sous différentes formes, le tourisme….sont autant d’activités menacées par une baisse de qualité de l’environnement. Point n’est besoin d’évoquer les concepts de biodiversité ou de perturbation de l’écosystème, le bon sens suffit !
Michel GLEMAREC Professeur Honoraire des Universités (Océanographie biologique). Vice-président MOR GLAZ, Témoin au procès de Chicago pour la défense des communes littorales touchées par l’Amoco Cadiz. Rédacteur des Cahiers d’Habitats côtiers (Directive européenne Habitats-Natura 2000)…
Intervention de Jean-Paul HELLEQUIN Président de l’association MOR GLAZ
Présentation rapide de l’association MOR GLAZ avec ses 300 adhérents citoyens y compris des Capitaines de remorqueur de haute mer et portuaire, des experts du monde maritime. L’association MOR GLAZ prétend pouvoir apporter ses réflexions sur ce naufrage et plus largement sur le métier du remorquage et les négligences concernant ce convoi. L’association peut aussi apporter son analyse sur la Sécurité Passive Embarquée qu’elle défend depuis plusieurs années, son analyse sur les faits, les conséquences sur le milieu marin !
Je suis en parfait accord avec tout ce qui vient d’être dit par Bernard et Michel. Pour avoir navigué 38 ans ,11 ans à la Grande Pêche et 27 ans à bord des remorqueurs de haute mer, pour avoir participé à plus de 100 opérations de remorquage et de sauvetage , avec mes collègues sur le pont, et pour avoir été embarqué à bord de l’ABEILLE FLANDRE en mer d’Iroise sous le Commandement de Jean BULOT (qui est membre de l’association), je peux quasiment vous affirmer, que, le remorquage des deux coques MAERSK SEARCHER et SHIPPER était voué à l’échec
Deux coques remorquées à couple » une erreur regrettable » de la part d’un armateur aussi » expérimenté « . Ces deux coques remorquées par un navire de type » supply » qui partait lui aussi se faire déconstruire en Turquie, une économie qui va ternir l’image du Groupe MAERSK.
Lors des remorquages hauturiers de ce type auxquels j’ai participé en Mer Méditerranée, pour remorquer dans les années 1977 et 1978 du Pirée à Barcelone pour la déconstruction des vieilles coques désarmées, des précautions particulières étaient appliquées, (visite du gréement de remorquage toutes les 3 heures par des marins du remorqueur, par mauvais temps, des visites plus régulières du gréement en laissant à bord du remorqué des marins si nécessaire). Ces règles, ces obligations doivent être réinstaurées, réimposées avant le départ par les autorités portuaires du port de départ, mais aussi, par les assureurs et autres autorisant le départ du convoi. Ces règles de sécurité doivent être respectées scrupuleusement par ceux qui effectuent ce type de remorquages. Le remorquage hauturier est un métier bien particulier, qui ne peut pas être de l’à peu près, ce métier est rigoureux et ne peut être effectué que par des professionnels (cette fois ce n’était pas apparemment pas le cas).
La manière de remorquer ces deux coques MAERSK SEARCHER et SHIPPER est d’un amateurisme qui fait sourire toute la communauté du remorquage maritime. Il est également inconcevable de faire remorquer des navires qui partent à la destruction par un navire de type » supply » qui lui-même était destiné à être déconstruit.
Le premier armateur mondial s’est comporté comme un amateur, nous remettons en cause cette façon de faire, ce manque de respect envers les professionnels du remorquage.
La conséquence de cet amateurisme a pour conséquence tout ce qui a été dit par Bernard et Michel. Dès leur construction, tous les navires doivent être équipés du système de pompage JLMD ECOLOGIC permettant de remonter les fluides des navires des cuves de carburant et de les nettoyer (Sécurité Passive Embarquée). D’autres grands armateurs dans le monde et les Français CMA CGM, LDARMATEURS et quelques autres font cet effort » parier sur la prévention par respect de l’environnement en cas d’accident et de naufrage » .
Afin d’éviter ces convois , il faut imposer que les vieux navires soient déconstruits au plus près, en Europe du Nord lorsque cela est possible, il faut interdire les remorquages à couple.
Pour l’association MOR GLAZ, ces deux coques doivent être renflouées, une surveillance de trois ans des coques par le Groupe MAERSK ne suffit pas. Il faut imposer une règlementation stricte afin que ces négligences ne puissent plus se produire, il faut que tous les acteurs de ce naufrage soient responsabilisés à leur niveau.
Jean-Paul HELLEQUIN Président de l’association MOR GLAZ