Que sont devenus les déchets de l’Amoco Cadiz 40 ans après ?
16 mars 1978, le super tanker Amoco Cadiz s’échoue sur les roches de Portsall dans le Finistère.
Pavillon libérien, pétrole du hollandais Shell, affréteur américain : Standard Oïl Compagny
223 000 tonnes de pétrole (220 000 tonnes de pétrole brut et 3000 tonnes de fuel de propulsion) déversées à Portsall (commune de Ploudalmézeau), on peut doubler ou tripler pour avoir une idée du volume des déchets générés
360km de côtes souillées 10000 oiseaux morts
7500 hommes dans le plan POLMAR pour nettoyer mais peu équipés (râteau, seau…)
En 1980 un syndicat mixte de protection et préservation du littoral est créé par les maires des communes du littoral afin d’obtenir réparation, 1.25 milliard de franc (270 millions d’euros) d’indemnisation obtenus.
Les déchets terrestres de l’Amoco Cadiz sont officiellement évalués à 250.000 tonnes. Ce bilan apparaît minimisé. On peut facilement le doubler. Les déchets sont constitués de 85 % de sable, 10 % de fioul et 5 % de macroéléments (bottes, casques, plastiques, boudins de dépollution…).
En 2000, l’association Robin des Bois alerte l’opinion publique sur la présence attestée de déchets bruts des marées noires du Torrey Canyon, du Boehlen, de l’Amoco Cadiz et du Tanio sur des sites non-étanchéifiés et démunis d’autorisation préfectorale. Au moins 67 sites ont été utilisés dans les Côtes d’Armor en haut de plage pour stocker les déchets du Torrey Canyon, seulement 34 de ces sites ont été identifiés. Ils ont été réactivés pour les marées noires ultérieures de l’Amoco Cadiz et du Tanio. Des déchets plus ou moins liquides ont été stockés en haut de plages, dans des petites carrières et marais (parfois postérieurement recouverts de parkings, de campings publics ou de décharges).
Les règles de gestion des déchets du Torrey Canyon sont appliqués pour l’Amoco Cadiz avec l’innovation partielle du mélange avec de la chaux contribuant à stabiliser les hydrocarbures. Ce mélange a été principalement effectué sur le port de Brest, à Trégastel et dans les soubassements de route à l’exemple de la Nationale 12 entre Guingamp et Morlaix.
Depuis Lannion, des trains de déchets partent vers Le Havre, La Rochelle, Saint-Nazaire.
Des norias de camions partent de la Bretagne nord vers Brest. Depuis Brest, les trains partent vers Donges. Depuis Saint-Nazaire, des camions repartent vers Rennes et Angers sans qu’à ce jour les usages soient connus. Des liaisons maritimes sont ouvertes vers Le Havre et La Rochelle depuis Paimpol, Roscoff, Brest.Un navire chargé de 3.000 t de goémons pollués coule entre Roscoff et Saint-Nazaire.
Des déchets remontent de Saint-Nazaire et La Rochelle vers Le Havre par bateau.
A l’exception de Donges, tous les sites de stockage ont été laissés à l’abandon technique et administratif. Le Comité Interministériel d’Aménagement du Territoire (CIADT) débloque 20 millions de francs (3 millions d’euros) en février 2000 pour « localiser, diagnostiquer, hiérarchiser et si nécessaire commencer à sécuriser » les sites de déchets de marées noires. Mais seul le site de La Rochelle a été neutralisé effectivement.
A Brest
Le port de Brest a servi de site de concentration de dizaines de milliers de tonnes déchets de l’Amoco venus de la côte Nord. Ils étaient chaulés à Brest, on pensait ainsi désactiver la toxicité de ces produits, mais cette technique n’a permis qu’une réduction du risque.
Ces déchets ont été répartis et enfouis notamment sur 2 sites : la lagune de la station de déballastage et la plateforme multi modale
Sur cette dernière : entre 2005 et 2010, l’extension de l’actuel terminal multimodal (notamment la construction du hangar UAT de M. Kuhn) sur l’emprise de Ia zone ayant reçu des déchets de l’Amoco Cadiz a révélé 4 grandes fosses remplies de déchets pollués. Ils ont été excavés, et un merlon constitué de ces terres polluées au droit de la plate-forme a été réalisé. 16500 m3 soit 25000 tonnes de déchets ont été estimés.
Une visite réalisée sur site le 23 mai 2013 par la DREAL relève que la calcification de surface du merlon révèle la présence de déchets chaulés et des indices d’enfouissement de déchets issus des opérations de nettoyage des marées noires (plastiques, petits objets d’accastillage, câbles de remorquages en acier, coquillages). Des analyses faites matériaux échantillonnés a montré des teneurs significatives en hydrocarbures C10-C40 (11 000 mg/kg à22000 mg/kg), présence de traces de HAP à des teneurs faibles, présence de traces en BTEX à des teneurs faibles, présence de teneurs notables en cuivre et zinc…
La CCI a souhaité récupérer cet espace pour entreposer des conteneurs de lait en poudre provenant de l’usine SYNUTRA et destinés au marché chinois. Elle a fait une demande de transfert de ces déchets vers la station de déballastage et sa lagune.
Les 25 000 tonnes de déchets ont rejoints les milliers déjà présents sur le site de la station de déballastage et sa lagune, appartenant lors de la catastrophe à la Compagnie Française des Asphaltes dans le port de Brest. Le mauvais état de la membrane plastique d’étanchéité du bassin a contribué à la migration des hydrocarbures et à la dégradation de la qualité des eaux et des sédiments de la rade de Brest.
Il a fallu attendre la fin des années 90, pour voir la fermeture de ce site et sa réhabilitation
Déplacer ces déchets toxiques d’un site à un autre du port n’est pas responsable ni acceptable.
Une vraie prise en compte responsable de l’environnement et de la santé publique aurait nécessité : d’une part que ces déchets soient analysés et traités efficacement in situ ou dans des centres spécialisés.