l’un de nos adhérents ( ancien marin) va gravir  » HIMLUNG HIMAL » pour la Recherche contre la Mucoviscidose…

L’un soulève des montagnes, l’autre les grimpe pour la bonne cause : interview croisée du Pr Claude Férec, médecin généticien brestois, spécialiste de la mucoviscidose, et du Plouézecain Marcellin Hellequin, marin devenu alpiniste solidaire. Avant le départ de ce dernier pour l’Himalaya, avec l’expédition solidaire « Du souffle pour l’espoir », du 20 octobre au 17 novembre.

Marcellin Hellequin, chacun de vos exploits est-il lié à une cause ?

Oui, pour une cause et, surtout, pour faire partager, à ceux qui n’en ont pas la possibilité, ma passion récente de la montagne. La première fois, c’était avec des mal voyants (*), cette fois-ci, je vise le sommet de l’Himlung Himal (ndlr : sommet de 7 230 m, situé à la frontière du Népal et du Tibet, au Nord de l’Annapurna), le but étant de collecter 5 000 € pour la recherche sur les maladies génétiques (**) et pour aider des laboratoires, comme celui du professeur Claude Férec.

Quand avez-vous découvert la montagne ?

En 2010. J’étais alors un homme de la mer, un voileux. Un jour, j’ai découvert le Mont-Blanc. Je me suis dit : « Tiens, j’irai bien faire un tour là-haut ». Ce fut un déclic : l’adrénaline en montant, l’adrénaline en étant là-haut. Et puis l’envie de recommencer, de redécouvrir ces sensations extraordinaires. Quand on change de pays, quand on part au Népal, c’est aussi une autre découverte, celle de ces populations, avec une philosophie de la vie différente de la nôtre.

Professeur Férec, peut-on aussi dire de vous que vous êtes un peu un aventurier de la génétique ?

Disons qu’on est un peu curieux, oui, forcément. On doit explorer des mondes nouveaux en biologie, c’est cela qui nous motive, afin de comprendre le monde du vivant. En particulier, la génétique, qui, depuis ces trente dernières années, est un nouveau monde à explorer. On a pu aller chercher les gènes responsables des maladies, les identifier, analyser les mutations, comprendre pourquoi ça ne marchait pas. Aujourd’hui, on voit arriver le dépistage de la maladie dans les premiers jours de vie, les organisations des soins qui sont bien structurées.

On vous doit aussi le dépistage néonatal systématique…

Cela fait partie des choses qu’on a mises en place dans les années 90. Aujourd’hui, plus personne n’imagine revenir en arrière. C’est important de détecter les nouveau-nés très tôt, même si on ne peut pas totalement les guérir. Mais, au moins, ils sont bien pris en charge. Plus on peut traiter ces enfants tôt, meilleures seront les chances de maintenir une capacité respiratoire le plus longtemps possible. On espère que les trente prochaines années seront aussi fructueuses que celles que l’on vient de vivre. On est encore au milieu du gué. Il reste à franchir des étapes pour trouver des thérapeutiques efficaces pour, un jour, être en mesure de guérir de la mucoviscidose.

Marcellin Hellequin, pouvez-nous détailler votre expédition ?

Je ne serai pas seul, deux sherpas m’accompagnent, dont Lagpa, un jeune guide qui a déjà deux Everest à son actif, un cuisinier et un aide cuisinier, mais pas de porteur. Jusqu’à 3 500 m, on montera avec un muletier, ensuite ce seront des yacks. Seul, on ne fait rien, il y a toujours un collectif autour. Je n’ai jamais été une tête brûlée même si j’avoue que j’ai besoin de l’aventure, mais avec des risques calculés : je fais entièrement confiance à l’organisation népalaise et au matériel.

 

À 65 ans, comment se prépare-t-on physiquement à un tel défi ?

Je fais du vélo, je cours, je fais de l’aviron, du kayak de mer : il faut toucher un peu à tout pour se préparer à la haute montagne où, là, le principe sera d’économiser son énergie. L’acclimatation doit être très progressive, on sait qu’on aura le mal des montagnes. Les huit premiers jours, ce sera l’ascension jusqu’au camp de base (4 900 m). On y restera quinze jours pour s’acclimater en montant aux camps de base n° 1 et 2.

Professeur Férec, au milieu des années 1980, la mucoviscidose était une maladie méconnue. Était-ce aussi un défi pour vous de monter votre propre laboratoire ?

On savait diagnostiquer la maladie mais on ne connaissait pas le gène responsable, la protéine anormale. On ne comprenait pas pourquoi ces enfants avaient une fonction pulmonaire qui se dégradait très vite, un pancréas qui ne fonctionnait pas. Il a fallu identifier le gène d’abord, les mutations, puis imaginer les stratégies de corrections dans lesquelles la recherche est toujours engagée. Alors, quand Marcellin Hellequin m’a proposé d’associer cette prouesse sportive à notre laboratoire, j’ai trouvé ça formidable.

Vous êtes aussi un sportif. On sait que vous ne ratez aucune Pierre Le Bigaut sur votre vélo ?

J’aime le sport mais je suis un sportif très modeste. J’ai aimé faire des marathons mais je n’en fais pratiquement plus. Chaque fois que je peux, à travers la PLB, je fais du vélo. Mais, souvent, malheureusement, ma seule sortie de l’année, c’est la PLB, alors vous voyez le niveau de l’entraînement (rires).

La PLB est un gros moteur du financement de la recherche contre la mucoviscidose. Le défi de Marcellin Hellequin est-il une autre façon de médiatiser la maladie ?

Comme cet exploit sportif est associé à des équipes de chercheurs qui travaillent sur la mucoviscidose, cela permet à la fois d’en parler, d’informer. C’est extrêmement important pour les malades, qui se savent ainsi soutenus, et aussi pour nos équipes.

Marcellin Hellequin, qu’avez-vous envie de dire à Claude Férec avant votre départ ?

Que j’essaierai de porter le plus haut possible ses couleurs et sa banderole. Il n’y a pas que mon exploit (si exploit il y a…), c’est aussi l’exploit de ceux qui m’entourent, qui m’aident, de cette équipe népalaise. Et aussi celui de la recherche, afin de guérir les enfants. Ça me motive énormément pour aller le plus haut possible. Par ailleurs, je ne connaissais pas la PLB : je fais la promesse que j’y serai l’année prochaine !

Et vous, Professeur Férec, que souhaitez-vous à Marcellin Hellequin avant son départ ?

Qu’il prenne soin de lui et qu’il nous revienne en bonne santé : c’est l’avis du docteur. Et surtout, bravo pour ce que je considère vraiment comme un exploit et merci de nous avoir associés à cette aventure. On va suivre ça de très près dans les prochaines semaines.

* En octobre 2017, avec l’expédition solidaire, Un œil au sommet, qui a accompagné deux malvoyants sur le Mera Peak (6 476 m) et le Barunstse (7 129 m) pour l’institut Curie.

Les dons peuvent être faits directement sur le site de l’association Gaétan Saleün.

© Le Télégramme https://www.letelegramme.fr/bretagne/mucoviscidose-sur-les-sommets-pour-la-bonne-cause-16-10-2018-12107120.php#6H3OZ68B1bXk6Syr.99