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Procès de l’Erika – TGI – Audience du 14 février 2007 Procès de l’Erika .
Quel était l’état du vieux bateau ?
Impressions d’audience Marinette COLIN vendredi 16 février 2007 . .
Etant donné la richesse des informations recueillies, j’ai envisagé de donner quelques coups de projecteur sur des points qui m’ont frappée (basés sur les notes prises pendant l’audience).
Ce mercredi 14 février, le Président du Tribunal de Paris interroge d’une manière très serrée deux protagonistes essentiels capables de donner des précisions sur l’état de l’Erika avant son naufrage. Monsieur le Président a décidé de suivre l’histoire du bateau. Face à lui, parleront alternativement M Savarèse, armateur propriétaire du bateau depuis 1996, responsable de la société d’armement Trevere Shipping et M Pollara de la société Panship gestionnaire du bateau depuis cette même date. Après avoir entendu l’un et l’autre, on peut avoir quelques impressions dominantes.
Inspections aléatoires, entretien et réparations aussi.
Nous apprenons par le Président que l’Erika a été inspecté en 1996 selon les règles intertionales en vigueur (visite intermédiaire entre deux visites « des 5 ans » plus approfondies et pratiquées en cale sèche). Suite à cette visite, de nombreuses défaillances sont constatées. Le président en lit tous les détails techniques (contenus dans le rapport d’instruction) ; Il note en plus que la visite a été difficile, des dépôts pollués ayant empêché l’inspection de certaines parties… Cependant, concernant la corrosion, les résultats de mesures effectuées par l’inspecteur de la société Véritas (qui certifiait le navire à l’époque) sont favorables : 5 à 10% de corrosion. Un fait intrigue toutefois M le Président. Il constate que suite à cette visite, des parties métalliques peu corrodées selon les mesores de l’inspecteur, ont été changées.
Question à M Pollara : « Si elles ont été changées, c’est que vous avez jugé cela nécessaire ? »
M Pollara : « Oui, sinon c’est un contre-sens.«
Le Président : « Et si on a changé ces parties c’est donc que les mesures effectuées n’étaient pas fiables ? »
M Pollara : « Nous sommes en démocratie. Chacun peut penser ce qu’il veut ! »
Le Président poursuit et signale que l’existence de ces travaux n’a pas été signalée au juge lors de l’interrogatoire d’instruction…
Suite à cet échange, nous voici avec quelques doutes. N’existerait-il pas des inspections complaisantes ? Nous pouvons nous interroger sur la manière dont est géré l’entretien d’un bateau. Dans le droit maritime actuel c’est le propriétaire du bateau – l’armateur – qui prend les décisions au vu des informations fournies par le responsable de l’entreprise gestionnaire. Dans le cas de l’Erika, M Pollara prend donc des décisions de réparation sur les ordres de M Savarèse qu’il a préalablement informé des défaillances du bateau auxquelles il convient de remédier. Le Président s’interesse donc beaucoup au contrat qui lie les deux sociétés en cause : la société d’armement (représentée par M Savarèse) et la société gestionnaire(représentée par M Pollara). L’interrogatoire va donner des réponses édifiantes.
Pouvoir de l’armateur : entretien et réparations nuisent gravement à mon profit
En examinant le contrat qui liait les deux sociétés, le Président remarque que M Pollara ne touchait que 5000$ par mois et par navire pour l’entretien d’un bateau. M Pollara : « Ce sont les armateurs qui ont le pouvoir et ils veulent diminuer au maximum les frais. »
Quelques temps plus tard, lorsque le fonctionnement financier de Panship est décortiqué par le Président, M Pollara lâche au détour d’une phrase : » ceux qui gagnent dans l’affaire, ce sont les armateurs » . Du coup, le Procureur intervient pour savoir s’il y a un rapport de force entre le gestionnaire et l’armateur, M Pollara confirme « Les armateurs veulent le maximum »
. Nous voici donc bien prévenus et un peu inquiets pour la suite.
Pour la suite nous apprenons qu’en 1998, l’Erika change de société de classification. [1]
Le Président précise que début 98, M Savarèse, en accord avec M Pollara, décide de changer de société de classification pour l’Erika. Pour des raisons de commodité, ils désirent quitter la société Véritas et se tournent vers la société italienne RINA. En vue de ce transfert, une visite de l’Erika est effectuée par un inspecteur du RINA dans le port turc d’Aliaga. Il ausculte le bateau pendant deux jours. Le Président a entre les mains le rapport de M Pisceda, l’ingénieur naval qui a inspecté l’Erika.
L’oeil de l’inspecteur et l’oeil de l’armateur
La lecture du rapport faite par le Président laisse stupéfait : corrosion importante de toutes les plaques du pont, corrosion des parois, perte d’épaisseur des tôles de 50 à 60% par endroits. En plus : problèmes de cables électriques, d’enduits disparus, de joint qui fuit, pas de possibilité d’accéder à la citerne d’observation tant il ya de dépôts de pollution. Conclusion de ce rapport « navire pas acceptable pour la classification ». Sauf changement et réparations importantes.
Interrogation du Président : »Qu’est-ce qui est fait après ces deux jours d’inspection de février 98 ? » Rien constate-t-il. La société Véritas, qui classe le bateau jusqu’à expiration de validité des certificats (juin) n’est pas prévenue. M Pollara et M Savarèse ne lui disent rien.
Le Président rappelle que, pendant l’interrogatoire d’instruction, M Pollara a dit qu’ « il n’y avait pas assez d’éléments pour prévenir Véritas » et que, selon les avis des propres inspecteurs de Panship dépêchés sur place en même temps que M Pisceda, « il n’y avait pas de problèmes de structure ».
Le Président signale que le représentant du RINA, lors de ce même interrogatoire, pensait, lui, qu’il aurait fallu signaler la situation à Véritas …
A ce propos, quelque temps plus tard, Me Corbier, avocate du Collectif marée noire pose à M Ponasso (représentant du RINA) la question logique : « Pourquoi alors RINA n’a-t-il rien signalé à Véritas ? »
Réponse de M Ponasso : « Rien ne nous y obligeait alors. Cela a changé depuis. » Et il explique que, après le naufrage de l’Erika des dispositions internationales ont été prises pour obliger les sociétés de classification à se communiquer leurs informations. Ainsi, nous avons confirmation d’une évolution positive : le naufrage aura permis, avant tout procès, de changer un élément important dans la surveillance de l’état des bateaux : le black-out sur le passé et l’état d’un navire n’est théoriquement plus possible.
Reprenons le fil de l’interrogatoire de M Pollara par le Président : « il y a contradiction entre votre avis et celui de M Ponasso sur la nécessité de prévenir Véritas. Alors ? » M Pollara se lance dans une réponse d’anthologie.
Extraits : « L’inspecteur regarde le bateau d’un oeil différent de celui de l’armateur ». (Et pour cause, l’un se soucie de sécurité, l’autre de profit).
« Si on fait venir un autre inspecteur, il dira autre chose. C’est subjectif ! » (Et pour cause, nous pouvons supposer que les inspecteurs peuvent être plus ou moins arrangeants – voir plus haut).
Le Président évoque alors l’existence de photos parlantes prises par M Pisqueda. Réponse : « les photos montrant la corrosion peuvent paraître scandaleuses mais un bateau a 5000 m2 de surface et ces photos ne veulent rien dire ! … le rapport Pisqueda ne signifie rien ! Il ne signifie rien ! »
« L’Erika a navigué. Il a été jusqu’Bijela (chantier de réparation au Montenegro) et on l’a réparé … il y avait seulement un joint qui fuyait ! … Je n’étais pas alarmé ». Et il redit que ses inspecteurs l’avaient assuré qu’il n’y avait pas de problèmes de structure.
Le Président interroge ensuite M Savarèse. Lorsqu’il a pris connaissance du rapport Pisceda, M Savarèse soutient qu’il n’a pas été inquiet. Et il s’essaie à démontrer pourquoi : « M Pisceda lui-même avait dit que l’état de l’Erika n’était pas surprenant pour un navire de 23 ans… De toute façon, des réparations sont toujours prévues avant la visite des 5 ans qui devait commencer en juin… Après l’inspection de février 1998, le bateau a navigué sans problème partout en Europe … Il a remonté la Tamise, il a été à Londres, à Rotterdam … Il a été dans des grands ports d’Europe où il y a des contrôles… Si le bateau avait été précaire, quelqu’un aurait prévenu, sur la Tamise ou ailleurs.
» M Savarèse justifie donc la navigabilité du bateau par le fait qu’il a été affrété sans cesse après l’inspection Pisceda et qu’il n’aurait subi aucun contrôle défavorable.
Nous, nous apprenons que ce bateau a circulé sans être navigable (selon l’ingénieur du RINA). Et nous pouvons penser qu’il a peut-être eu la chance de passer au travers des mailles du contrôle. Nous pouvons penser aussi que … c’était le printemps, que la mer était belle et que même un rafiot courait peu de risques. La démonstration de M Savarèse ne semble pas tenir. Pour lui, tout est bon pour défendre la navigation prolongée de l’Erika jusqu’à la date d’expiration des certificats Veritas. L’Erika avait toujours des certificats en règle, qu’importe ce qu’ils valaient !
Après les déclarations de M Savarèse, le Président lui fait cependant finement remarquer que fin juin, inspecté par Véritas à Naples, l’Erika a seulement obtenu une dérogation de navigation de 20 jours pour se rendre au chantier de réparation de Bijela sur l’Adriatique…
Et pour finir, une question d’avocat de partie civile pourrait, peut-être entamer la belle assurance de M Savarèse : « Et l’inspection de l’Etat du port à Stavanger au printemps 98 ? »
Comme l’audience a été longue ce mercredi 14, Monsieur le Président réserve cette question pour la semaine prochaine…
Que retenir des déclarations de MM Pollara et Savarèse sur l’état et le suivi de l’Erika ?
M Pollara gestionnaire naval direct de l’Erika a été soumis à rude épreuve. Le Président l’a cerné dans ses contradictions. Par exemple, M Pollara a dit avoir été président de Panship « sans la diriger ». Il assume, peut-être avec un certain agacement, ces contradictions étonnantes. Il laisse entendre que l’armateur, voulant faire le maximum de profit, diminue au maximum les dépenses d’entretien ; mais il affirme aussi que malgré un rapport alarmant, il n’a pas dissuadé M Savarèse de faire naviguer l’Erika de février à juin 1998.
Ainsi, il montre deux facettes. Il semble être à la fois victime et complice de M Savarèse.
Victime : il affirme au cours de l’audience que, lui, travaillait 16 heures par jour (contrairement à M Savarèse ?). Il affirme aussi que, jusqu’au naufrage, il ne savait pas que M Savarèse était le vrai propriétaire de l’Erika. Pour lui, M Savarèse était le président de la société d’armement Trevere Shipping. Point c’est tout. Devant les doutes du Président, il déclare « moins on est curieux, mieux cela vaut pour nous dans notre milieu » Avait-il affaire à plus fort que lui dans ce milieu ?
Mais complice aussi : il discredite l’inspection, apparemment scrupuleuse de M Pisqueda, il défend ardemment « l’oeil de l’armateur » et et il reconnaît avoir « reçu son dû » pour son travail. Donc, le système de navigation à risques lui a profité aussi … Des deux prévenus concernés par l’entretien de l’Erika, sa position semble la plus difficile.
rédigé les 15 et 16 février 2007. Marinette COLIN [1] Petit rappel : Les sociétés de classification sont indispensables au transport maritime puisqu’elle délivrent entre autres, les certificats de navigabilité réglementaires pour que puisse circuler chaque navire conformémebt au droit maritime international. C’est l’armateur qui choisit la société (privée) qui inspecte le navire pour lui donner ou lui refuser ces certificats. L’inspecteur de la société de classification apprécie l’état du navire selon des règles et des mesures très précises et indique à l’armateur les réparations à effectuer pour obtenir la certification. A tout moment, un propriétaire de bateau peut décider de changer de société de classification.
Procès de l’Erika – TGI – Audience du 19 février 2007
Procès de l’Erika . Pour ceux qui veulent savoir comment un bateau est classé navigable
Incursion dans un monde opaque Marinette COLIN vendredi 23 février 2007 . .
Ce jour-là nous avons appris que, pour être en règle, un bateau a besoin d’une société de classification sachant classifier, d’un inspecteur sachant inspecter, d’un mesureur sachant mesurer …
(à partir des notes d’audience du 19 et 20 février 2007)
Si vous n’êtes pas au courant des procédures de certification et de contrôles d’un bateau selon les règles internationales, vous devenez imbattable sur la question après l’audience ! Bien sûr si votre attention l’a emporté sur l’ennui ! Car le Président l’a reconnu lui-même après : « ces audiences (19 et 20) étaient peut-être fastidieuses ». Je vais donc donner mes impressions en essayant de ne pas lasser ; mais c’est sans garantie !
Certificats : qui donne quoi et pour quoi ? Il faut un certain temps pour s’y reconnaître.
Le 19 février, il fut d’abord question des certificats nécessaires à un bateau en application de divers codes et conventions internationaux. Un bateau doit avoir, d’une part, un certificat dit ISM, exigé à partir du 1er juillet 1998 [1], pour respecter un code de sécurité maritime. Il doit aussi avoir, d’autre part, en application de conventions plus anciennes, le fameux « certificat de classe » qui autorise ensuite son enregistrement officiel et sa navigabilité (certificat réglementaire de l’Etat du pavillon). Vous suivez ?
« Le certificat de classe est la base de tout » dit lui-même M Ponasso du RINA. Pour les certificats de l’Erika, le Président est intrigué par le fait que RINA a accordé un certificat ISM début juin alors que le certificat de classe du RINA n’a été accordé que début août. M Pollara explique qu’il fallait anticiper pour être en règle au 1er juillet et précise que le certificat délivré par Véritas était toujours valable (quelques jours encore …). Tout était dans les règles puisque les deux certificats peuvent être donnés … par deux sociétés différentes !
Le nouveau certificat de classe de l’Erika : une affaire d’épaisseur de tôle ?
En cette fin d’après-midi du 19 février, le Président du Tribunal va éplucher pendant trois heures toutes les incertitudes du dossier. Il interroge les prévenus pour qu’ils s’expliquent sur cette fameuse visite quinquenale face aux conclusions des experts, consciencieusement relues.
En effet, on arrive à la question centrale du degré de corrosion de l’Erika. Chacun défend son point de vue. Les prévenus, face aux conclusions d’experts, le font avec une certaine vigueur : « ils n’y connaissent rien ! … ils n’ont qu’à changer de métier ! … dans la concurrence entre sociétés (agréées pour les mesures d’épaisseur) ils n’auront pas beaucoup de clients ! »
Dans ces débats vifs, tout a tourné autour des mesures d’épaisseur de tôle du bateau. Dans quelles conditions se font-elles ? Ces mesures sont-elles fiables ou peuvent-elles être « arrangées » ? De cette dernière réponse dépend bien-sûr la crédibilité du certificat de navigabilité.
Nous apprenons au passage quelques conditions générales sur la nécessité et la manière de faire une appréciation de l’état des tôles d’un navire. D’abord, pour de pauvres profanes, les épaisseurs signalées commencent par surprendre : 12mm, 14 – 16 mm … Bon, ce ne sont pas des tôles de voitures qui fendent seulement l’air. Les bateaux affrontent les tempêtes en mer, ils sont lourdement chargés et en milieu humide, nous apprenons que ces tôles rouillent inexorablement et perdent jusqu’à 1 mm par an.
Nous apprenons aussi que les chargements liquides (pour les pétroliers par exemple) doivent être dans des citernes séparées dont il est essentiel de contrôler l’étanchéïté et l’état de corrosion. Que l’examen -essentiel- de ces citernes ne peut être fait que si elles sont vides, nettoyées et libérées de tout gaz toxique ou inerte qui empêche qu’on y entre. [2]
Donc, l’examen de l’état des citernes ne peut avoir lieu que lorsque le bateau est en cale sèche, notamment lors de la visite des cinq ans. Nous apprenons que cette visite se fait sous la responsabilité d’un inspecteur de société de classification mais que les mesures d’épaisseur de tôle sont habituellement déléguées à une société agréée qui ira sur le bateau avec techniciens et matériel.
Nous apprenons que cette société devra faire des milliers de mesures à des endroits précis en respectant les instructions de la société de classification, elles-mêmes conformes aux directives de l’IACS (prononcez aïe-aks, à l’anglaise !). Association Internationale des Sociétés de Classification qui a défini la pertinence des endroits à mesurer.
Et pour finir, presque tout le monde (sauf ceux qui ont vu autrefois les cheminots frapper au marteau les roues et bielles des locomotives à vapeur en gare) apprendra que le marteau est un instrument classique d’un inspecteur qui « écoute » l’état des tôles …
Pour l’Erika, inspecteur et mesureurs ont-ils bien travaillé ? Nous laisserons de côté les débats de pourcentage autour de l’état de corrosion acceptable pour la certification et nous retiendrons des choses simples qui ont intrigué le Président ou le Procureur.
Pour l’inspection, d’abord. L’inspection RINA commence le 23 juin 1998. Tiens ! ce n’est plus le même inspecteur qu’en février. Le Président du Tribunal s’interroge. « M Pischeda était indisponible. Il faisait par ailleurs une inspection importante. » explique le représentant du RINA. Et ce fut M Patane.
Le Président relève que des travaux étaient déjà commencés sur l’Erika, 5 jours avant l’arrivée de l’inspecteur du RINA qui a refusé des mesures faites en son absence … C’est ensuite une accumulation de difficultés diverses qui assaillent cet inspecteur. Il se sent mal renseigné par les responsables du chantier de Bijela. Normalement, c’est à lui de déterminer l’étendue des travaux nécessaires pour que le bateau soit à nouveau navigable. Ici, tout a été vite.
M Pollara spécifie alors que l’armateur prévoit la visite de longue date, que certaines réparations pouvaient être anticipées logiquement et qu’on gagnait ainsi du temps. « Sinon, on immobilise le bateau pendant 6 mois ! ». Bien sûr, si nous nous souvenons que le fret du bateau est de 8.000$ par jour, quel manque à gagner représente l’immobilisation du bateau ! D’après les dates de présence au chantier monténégrin, cela a duré seulement 6 semaines. [3] Poursuivons. L’inspecteur s’est plaint aussi de l’absence de plans ou de planning pour ces travaux. La remise en état du bateau semble donc avoir été faite bien rapidement et sans méthode. Les protestations de M Pollara ne dissipent pas cette impression. Nous savons par ailleurs qu’il était, avec M Savarese, ordonnateur final des travaux, et que sa phrase favorite est « business is business » …
Et les mesures ?
Le Président note des bizarreries. Dans le rapport de la société mesureuse, on trouve des mesures concernant des parties du bateau … qui n’existent pas sur l’Erika ! Ailleurs, certaines épaisseur trouvées sont supérieures … à l’état neuf ! Malgré cela, le calcul de synthèse réalisé ensuite dans les bureaux du RINA à Gênes, arrive à la déduction d’une corrosion et d’une solidité du bateau dans les limites admises. Conclusion : bateau navigable …
Inutile de dire que, devant les constatations des experts commis par l’instruction, le représentant du RINA a fait valoir que ces experts ne valaient rien, que les spécialistes du RINA avaient évidemment corrigé les quelques anomalies et qu’ils avaient fait les calculs appropriés. Leur jugement était bon et justifié !
Le Procureur n’a pas été convaincu : « Vos mesures n’indiquent aucune marge d’erreur comme cela doit exister dans tout document scientifique. » » Tous ces calculs n’ont-ils pas été faits justement pour obtenir le résultat désiré d’avance ? »
‘Affirmation sans preuve » …
Resterons-nous sur notre faim ?
Nous sommes perplexes. D’autant plus que des avis divergents existent sur le nombre de mesures nécessaires pour apprécier l’état des tôles. Dans les documents d’instruction mêmes, certain disent qu’il y en a eu trop, d’autres pas assez. Que penser devant cette complexité des inspections et de leurs zones d’ombre ? Nous pourrions espérer nous consoler en nous disant qu’une inspection et des mesures contestables peuvent ne pas être aussi graves que ça, si le bateau a été réparé pour bien assurer la solidité des parties essentielles. Mais là, à l’audience du 20 février voilà que nous apprenons de la bouche du Président, qu’à une audition d’instruction, un représentant du RINA a déclaré : « nous n’excluons pas que certains travaux effectués aient pu être à l’origine des fissures » (de l’Erika qui s’est cassé en deux) Alors ?
Travaux certifiés mais travaux mal faits ? Nous n’aurons pas d’explication des chantiers de Bijela puisqu’ils n’ont pas été entendus à l’instruction.
Travaux à l’économie ? Trop peu de parties changées, emploi de tôles trop fines ? La question est reprise le 20 février.
Et voilà encore une histoire d’épaisseur de tôle !
Là, du coup, j’abandonne pour aujourd’hui !
Ce n’était qu’un coup de projecteur sur ce monde où chacun semble avoir bonne conscience l’instant que les formes soient respectées et que les affaires continuent.
Marinette COLIN le 23 février 2007